Les Irakiens ont voté en masse pour leur Parlement
Posté : 16 déc.05, 06:45
Les Irakiens ont voté en masse pour leur Parlement
Ayisha, sunnite, montre le doigt qu'elle a trempé dans l'encre pour voter. Un geste imité par des élus, aux Etats-Unis, par solidarité avec les Irakiens.
(Photo Reuters)
Adrien Jaulmes
[16 décembre 2005]
Chiites, Kurdes et, pour la première fois, sunnites, ont voté en nombre hier pour élire leurs députés, lors d'un scrutin qui conforte la démocratie en Irak.
VOTER est presque devenu une habitude pour Mme Saja Salim. Pour la troisième fois cette année, cette pédiatre de Bagdad s'est rendue hier aux urnes, cette fois-ci pour élire le nouveau Parlement irakien. «Je souhaite avant tout la stabilité et la sécurité du pays», explique-t-elle, assez chic avec son maquillage pimpant et son léger voile de tulle bleu. «J'ai voté pour la Liste 618, du Front irakien de conciliation», dit cette bourgeoise sunnite. La liste est formée des trois principales formations arabes sunnites.
Mme Salim s'est rendue à pied au bureau de vote de l'école al-Massarah, sur la rive droite du Tigre. Les rues de Bagdad, quadrillées par les patrouilles, étaient hier vides de toute circulation, interdite pendant la journée du scrutin. «J'avais voté en janvier pour la liste monarchiste. A l'époque, c'était la seule formation sunnite à se présenter», dit-elle. Mme Salim est une exception. La plupart des Arabes sunnites et leurs partis avaient boycotté le scrutin du 30 janvier, destiné à élire une Assemblée constituante provisoire. Privés de représentants à l'Assemblée et de postes ministériels, les sunnites, qui ont dominé la scène politique irakienne depuis l'indépendance au début des années 30, ont réalisé leur erreur. Mis à part les mouvements de guérilla engagés dans la lutte armée, les partis sunnites ont appelé à voter. Leurs électeurs se sont rendus massivement aux urnes.
Mettre fin à la division de l'Irak
Le programme du Front de conciliation réclame le retrait rapide des troupes étrangères d'Irak et la réintégration dans l'armée des cadres de l'ancien régime. Ses chefs souhaitent aussi amender la Constitution irakienne pour réduire l'autonomie des provinces imposée par les chiites et leurs alliés kurdes. «Le plus important est de mettre fin à la division ethnique et religieuse de l'Irak», dit le docteur Salim en tenant son jeune fils par la main. «Mon mari et moi avons débattu jusqu'à tard dans la nuit avant de décider de voter pour le Front de conciliation. Nous aurions sinon choisi la liste d'Iyad Allaoui, qui lui aussi cherche à rassembler tous les Irakiens.» Allaoui, un chiite laïque qui dirigea le gouvernement intérimaire, se présentait à la tête de la Liste nationale irakienne. De nombreux Irakiens de la classe moyenne, toutes confessions confondues, se sont ralliés à cet ancien baasiste devenu en exil un des principaux opposants à Saddam Hussein. «J'ai voté pour lui parce qu'il est laïque», dit Mohammed Abdullah, un chômeur de 34 ans, qui s'est rendu dans le même bureau de vote. «Ce n'est pas le candidat idéal, mais il veut mettre fin à la mainmise des milices chiites sur l'armée et la police. C'est la priorité.»
L'incapacité des autorités à établir la sécurité dans le pays est vue par beaucoup d'Irakiens comme le principal échec du premier ministre sortant Ibrahim al-Jaafari, issu du parti islamiste chiite Dawa. Noyautées par les Brigades Badr, la formation paramilitaire chiite, l'armée et la police sont perçues comme des organes partisans. Cette opinion n'est bien sûr pas partagée par une majorité d'électeurs chiites, rangés comme un seul homme derrière leur clergé et la liste de l'Alliance irakienne unifiée. Après avoir presque remporté la majorité absolue aux élections législatives de janvier, et pris le contrôle de pans entiers de l'appareil d'État irakien, les chiites se sont de nouveau massivement mobilisés hier pour parachever le grand réveil politique de leur communauté.
Occupation américaine
«La liste de l'Alliance irakienne unifiée va concrétiser toutes nos espérances», explique Issam Rahim, 21 ans, un employé chiite de la télévision nationale irakienne. Il est venu voter pour la troisième fois avec ses deux collègues. L'un d'eux, Wissam Awad, est sunnite, et a choisi la liste du Front de conciliation. Mais les trois jeunes gens affirment avoir un souhait commun : la fin rapide de l'occupation américaine. «Quel que soit le nouveau gouvernement, j'espère qu'il va établir un calendrier précis pour le retrait américain. L'Irak est capable de se gouverner tout seul», dit Issam Rahim.
«Pouvoir voter dans la sécurité est en tout cas une avancée formidable», dit encore Mme Salim avant de rentrer chez elle. «J'avais voté non au référendum organisé par Saddam Hussein en 2002. Toute ma famille avait fait pareil. Il avait quand même remporté 100%. Cette époque est révolue. Maintenant, notre voix compte.»
Ayisha, sunnite, montre le doigt qu'elle a trempé dans l'encre pour voter. Un geste imité par des élus, aux Etats-Unis, par solidarité avec les Irakiens.
(Photo Reuters)
Adrien Jaulmes
[16 décembre 2005]
Chiites, Kurdes et, pour la première fois, sunnites, ont voté en nombre hier pour élire leurs députés, lors d'un scrutin qui conforte la démocratie en Irak.
VOTER est presque devenu une habitude pour Mme Saja Salim. Pour la troisième fois cette année, cette pédiatre de Bagdad s'est rendue hier aux urnes, cette fois-ci pour élire le nouveau Parlement irakien. «Je souhaite avant tout la stabilité et la sécurité du pays», explique-t-elle, assez chic avec son maquillage pimpant et son léger voile de tulle bleu. «J'ai voté pour la Liste 618, du Front irakien de conciliation», dit cette bourgeoise sunnite. La liste est formée des trois principales formations arabes sunnites.
Mme Salim s'est rendue à pied au bureau de vote de l'école al-Massarah, sur la rive droite du Tigre. Les rues de Bagdad, quadrillées par les patrouilles, étaient hier vides de toute circulation, interdite pendant la journée du scrutin. «J'avais voté en janvier pour la liste monarchiste. A l'époque, c'était la seule formation sunnite à se présenter», dit-elle. Mme Salim est une exception. La plupart des Arabes sunnites et leurs partis avaient boycotté le scrutin du 30 janvier, destiné à élire une Assemblée constituante provisoire. Privés de représentants à l'Assemblée et de postes ministériels, les sunnites, qui ont dominé la scène politique irakienne depuis l'indépendance au début des années 30, ont réalisé leur erreur. Mis à part les mouvements de guérilla engagés dans la lutte armée, les partis sunnites ont appelé à voter. Leurs électeurs se sont rendus massivement aux urnes.
Mettre fin à la division de l'Irak
Le programme du Front de conciliation réclame le retrait rapide des troupes étrangères d'Irak et la réintégration dans l'armée des cadres de l'ancien régime. Ses chefs souhaitent aussi amender la Constitution irakienne pour réduire l'autonomie des provinces imposée par les chiites et leurs alliés kurdes. «Le plus important est de mettre fin à la division ethnique et religieuse de l'Irak», dit le docteur Salim en tenant son jeune fils par la main. «Mon mari et moi avons débattu jusqu'à tard dans la nuit avant de décider de voter pour le Front de conciliation. Nous aurions sinon choisi la liste d'Iyad Allaoui, qui lui aussi cherche à rassembler tous les Irakiens.» Allaoui, un chiite laïque qui dirigea le gouvernement intérimaire, se présentait à la tête de la Liste nationale irakienne. De nombreux Irakiens de la classe moyenne, toutes confessions confondues, se sont ralliés à cet ancien baasiste devenu en exil un des principaux opposants à Saddam Hussein. «J'ai voté pour lui parce qu'il est laïque», dit Mohammed Abdullah, un chômeur de 34 ans, qui s'est rendu dans le même bureau de vote. «Ce n'est pas le candidat idéal, mais il veut mettre fin à la mainmise des milices chiites sur l'armée et la police. C'est la priorité.»
L'incapacité des autorités à établir la sécurité dans le pays est vue par beaucoup d'Irakiens comme le principal échec du premier ministre sortant Ibrahim al-Jaafari, issu du parti islamiste chiite Dawa. Noyautées par les Brigades Badr, la formation paramilitaire chiite, l'armée et la police sont perçues comme des organes partisans. Cette opinion n'est bien sûr pas partagée par une majorité d'électeurs chiites, rangés comme un seul homme derrière leur clergé et la liste de l'Alliance irakienne unifiée. Après avoir presque remporté la majorité absolue aux élections législatives de janvier, et pris le contrôle de pans entiers de l'appareil d'État irakien, les chiites se sont de nouveau massivement mobilisés hier pour parachever le grand réveil politique de leur communauté.
Occupation américaine
«La liste de l'Alliance irakienne unifiée va concrétiser toutes nos espérances», explique Issam Rahim, 21 ans, un employé chiite de la télévision nationale irakienne. Il est venu voter pour la troisième fois avec ses deux collègues. L'un d'eux, Wissam Awad, est sunnite, et a choisi la liste du Front de conciliation. Mais les trois jeunes gens affirment avoir un souhait commun : la fin rapide de l'occupation américaine. «Quel que soit le nouveau gouvernement, j'espère qu'il va établir un calendrier précis pour le retrait américain. L'Irak est capable de se gouverner tout seul», dit Issam Rahim.
«Pouvoir voter dans la sécurité est en tout cas une avancée formidable», dit encore Mme Salim avant de rentrer chez elle. «J'avais voté non au référendum organisé par Saddam Hussein en 2002. Toute ma famille avait fait pareil. Il avait quand même remporté 100%. Cette époque est révolue. Maintenant, notre voix compte.»