Procès Saddam Hussein
Posté : 20 oct.05, 18:41
La rue arabe juge le procès Saddam
Au Caire, ce premier jugement d'un leader arabe est vu comme un exemple par les opposants.
par Claude GUIBAL
QUOTIDIEN : vendredi 21 octobre 2005
Le Caire de notre correspondante
Le procès de Saddam Hussein donne des idées à certains Egyptiens. «C'est le premier leader arabe à être jugé, et j'espère bien qu'il ne sera pas le dernier», assène Antoine Hadib, professeur. «Il ne faut pas se leurrer : nous savons les crimes qu'il a commis contre les Irakiens. Maintenant, tous les autres, présidents ou rois, sauront qu'ils doivent faire attention à leur peuple, qu'ils doivent le respecter et l'aimer, car le cas de Saddam aura servi d'exemple.» A ses côtés, un collègue acquiesce. «Personne ne peut plus échapper à la justice.» L'ancien dictateur n'inspire guère de pitié. Pour le quotidien égyptien Nahdet Misr, la chose est entendue : «La corde attend Saddam Hussein.»
Impartialité. Discrète à la veille de l'ouverture du procès, préférant s'appesantir sur la visite en Irak du secrétaire général de la Ligue arabe, la presse égyptienne a consacré hier ses unes au sort de Saddam. Un exercice de haute voltige. Ainsi, le quotidien gouvernemental Al-Ahram, qui, tout en rappelant à demi-mots les exactions du raïs irakien, s'interroge sur l'impartialité de son procès. Les chaînes de télévision satellitaires, telles la qatarie Al-Jezira, mettent quant à elles davantage l'accent sur le fait que l'ancien maître de Bagdad est le premier leader arabe à être jugé que sur le détail de ses crimes. Ce que note avant tout la presse arabe, c'est la morgue du dictateur déchu, défiant ses juges.
Une arrogance qui n'est pas sans provoquer une certaine fierté parmi les franges les plus panarabistes. Car Saddam Hussein, tout dictateur déchu qu'il soit, reste encore, pour bon nombre d'Egyptiens, le seul leader arabe contemporain à avoir défié la communauté internationale et, en premier lieu, la Maison Blanche. Certes, reconnaissent-ils, «il a commis des crimes, mais c'était à son peuple de le renverser et de le punir. Pas aux Américains».
Humiliation. Ainsi, le procès de Saddam pourrait-il bien perdre une grande partie de sa valeur symbolique aux yeux des Arabes, qui ne lui concèdent aucune légitimité. «Oui, il mérite la mort, ajoute Sara, enseignante au Caire, mais parce qu'il a permis aux Américains de mettre le pied en Irak.» L'entrée des troupes américaines à Bagdad, sans résistance, est encore une source vive d'humiliation à travers le monde arabe, qui reproche à Saddam sa «lâcheté». Aujourd'hui, nombreux sont aussi ceux qui craignent que ce procès, jugé «déséquilibré» par plusieurs journaux égyptiens, n'attise la haine entre les communautés chiites et sunnites en Irak, et ne provoque de nouvelles bouffées de violence. «La situation en Irak est pire aujourd'hui qu'à l'époque où il terrorisait son peuple», note Yousra, marxiste et membre de Kifaya ! (Ça suffit !), le mouvement d'opposition à Hosni Moubarak. Un mouvement encore marginal qui n'hésite pas, lors de ses manifestations, à profiter de l'actualité du procès de Saddam pour réclamer un jugement pour le président égyptien, sa famille et ses ministres, qu'il accuse régulièrement d'avoir «ruiné l'Egypte par la tyrannie et la corruption».
http://www.liberation.fr/page.php?Article=332691
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Au Caire, ce premier jugement d'un leader arabe est vu comme un exemple par les opposants.
par Claude GUIBAL
QUOTIDIEN : vendredi 21 octobre 2005
Le Caire de notre correspondante
Le procès de Saddam Hussein donne des idées à certains Egyptiens. «C'est le premier leader arabe à être jugé, et j'espère bien qu'il ne sera pas le dernier», assène Antoine Hadib, professeur. «Il ne faut pas se leurrer : nous savons les crimes qu'il a commis contre les Irakiens. Maintenant, tous les autres, présidents ou rois, sauront qu'ils doivent faire attention à leur peuple, qu'ils doivent le respecter et l'aimer, car le cas de Saddam aura servi d'exemple.» A ses côtés, un collègue acquiesce. «Personne ne peut plus échapper à la justice.» L'ancien dictateur n'inspire guère de pitié. Pour le quotidien égyptien Nahdet Misr, la chose est entendue : «La corde attend Saddam Hussein.»
Impartialité. Discrète à la veille de l'ouverture du procès, préférant s'appesantir sur la visite en Irak du secrétaire général de la Ligue arabe, la presse égyptienne a consacré hier ses unes au sort de Saddam. Un exercice de haute voltige. Ainsi, le quotidien gouvernemental Al-Ahram, qui, tout en rappelant à demi-mots les exactions du raïs irakien, s'interroge sur l'impartialité de son procès. Les chaînes de télévision satellitaires, telles la qatarie Al-Jezira, mettent quant à elles davantage l'accent sur le fait que l'ancien maître de Bagdad est le premier leader arabe à être jugé que sur le détail de ses crimes. Ce que note avant tout la presse arabe, c'est la morgue du dictateur déchu, défiant ses juges.
Une arrogance qui n'est pas sans provoquer une certaine fierté parmi les franges les plus panarabistes. Car Saddam Hussein, tout dictateur déchu qu'il soit, reste encore, pour bon nombre d'Egyptiens, le seul leader arabe contemporain à avoir défié la communauté internationale et, en premier lieu, la Maison Blanche. Certes, reconnaissent-ils, «il a commis des crimes, mais c'était à son peuple de le renverser et de le punir. Pas aux Américains».
Humiliation. Ainsi, le procès de Saddam pourrait-il bien perdre une grande partie de sa valeur symbolique aux yeux des Arabes, qui ne lui concèdent aucune légitimité. «Oui, il mérite la mort, ajoute Sara, enseignante au Caire, mais parce qu'il a permis aux Américains de mettre le pied en Irak.» L'entrée des troupes américaines à Bagdad, sans résistance, est encore une source vive d'humiliation à travers le monde arabe, qui reproche à Saddam sa «lâcheté». Aujourd'hui, nombreux sont aussi ceux qui craignent que ce procès, jugé «déséquilibré» par plusieurs journaux égyptiens, n'attise la haine entre les communautés chiites et sunnites en Irak, et ne provoque de nouvelles bouffées de violence. «La situation en Irak est pire aujourd'hui qu'à l'époque où il terrorisait son peuple», note Yousra, marxiste et membre de Kifaya ! (Ça suffit !), le mouvement d'opposition à Hosni Moubarak. Un mouvement encore marginal qui n'hésite pas, lors de ses manifestations, à profiter de l'actualité du procès de Saddam pour réclamer un jugement pour le président égyptien, sa famille et ses ministres, qu'il accuse régulièrement d'avoir «ruiné l'Egypte par la tyrannie et la corruption».
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