Le marché des object religieux
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Le marché des object religieux
Ecrit le 09 avr.04, 13:13Photo Rémi Lemée, La Presse
Dans son atelier-maison de la rue Saint-Dominique, Sylvette Chanel donne naissance, chaque année, à une centaine de petits Jésus de cire
Le marché des objets religieux au Québec
Julie Parent
collaboration spéciale, La Presse
Quand on quitte le brouhaha du Quartier latin pour pénétrer au 306, rue Sherbrooke Est, on est tout de suite frappé par le silence un peu lourd, immobile, qui règne. Comme si, perdu au beau milieu des crucifix, chapelets et autres statues, le temps n'avait pu que s'arrêter.
Ce lieu particulier est en fait le Centre d'apostolat liturgique, une boutique d'objets religieux catholiques tenue par les Soeurs Disciples du Divin maître, communauté religieuse de Montréal-Nord. Parmi le lot de chapelets, de médailles et de plaquettes, quelques crèches et crucifix confectionnés par les bonnes soeurs. Une production très artisanale, qui est davantage l'exception que la règle. Voilà qui résume bien la petite industrie de l'objet de piété personnel, dans cette province qui était si pratiquante il y a 50 ans à peine.
Made in Québec
L'article religieux made in Québec le plus reconnaissable est sans doute le fameux petit Jésus de cire, portant de vrais cheveux, fabriqué par certaines communautés religieuses du Québec dès la fin du 18e siècle. Aujourd'hui, ces fragiles figures sont produites par une poignée de femmes, dont Sylvette Chanel, qui a appris cet art d'une soeur de la Miséricorde. «La seule différence dans la technique que j'emploie, c'est que mon bain-marie est électrique!» rigole-t-elle. Dans son atelier-maison de la rue Saint-Dominique, elle donne naissance, chaque année, à une centaine de Jésus, qu'elle écoule notamment au Salon des métiers d'art.
Certaines communautés religieuses fabriquent encore des objets de culte, une production qui demeure toutefois très limitée. À la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours du Vieux-Montréal, on peut trouver des petites médailles confectionnées par les Moniales de Bethléem et de l'Assomption de la Vierge, une communauté située près de Rawdon. «C'est assez restreint. On en vend pour les accommoder», précise Danielle Mineau, responsable de la boutique de souvenirs.
Alors tout le reste, les articles typiques comme les chapelets, crucifix et médailles que l'on trouve dans les boutiques spécialisées, d'où viennent-ils? D'Italie, de France et des États-Unis, pour la très grande majorité. «Le local, il faut pratiquement oublier ça, il n'y a pas assez de volume au Québec pour faire vivre des fabricants d'objets religieux», affirme Jacques Laroche, directeur général de la Procure ecclésiastique à Québec.
Le Centre d'apostolat liturgique ne fait pas exception à cette règle. En balayant du regard les étagères remplies de crèches artisanales, soeur Angèle en énumère les lieux d'origine: Italie, Pologne, Mexique... Et celle-là, la petite crèche aux couleurs vives, d'apparence un peu moins artisanale? «Taïwan, répond-elle, avant d'ajouter: il faut faire attention avec ça, ils ne paient pas beaucoup les travailleurs là-bas...»
Made in China
Eh oui, on fabrique aussi des plaques, statuettes en céramique et autres crucifix dans les usines chinoises. «C'est dommage, ça me fait de la peine que certaines personnes achètent des choses bon marché, faites en série, plutôt qu'une pièce unique», se désole Sylvette Chanel.
Ces objets usinés, on les retrouve autant dans les boutiques spécialisées que chez Hallmark, Jean Coutu et parfois même dans les incontournables Dollarama. Cette tendance, les importateurs d'objets religieux la confirment. À l'Office central d'importation, situé à Longueuil, on estime que près de la moitié de la marchandise provient de Chine. Chez Jérusalem A.R., on a commencé il y a sept ans à importer de ce pays, qui fournit environ 15% des stocks. «Les articles sont de meilleure qualité qu'il y a deux ou trois ans», constate le propriétaire Saul Salah.
S'adapter au marché
Baptêmes, premières communions, confirmations, mariages, voilà autant d'occasions pour magasiner un objet religieux. «Les cadeaux pour les sacrements d'enfants sont populaires», note Claude Denis, propriétaire de Bertrand Foucher Bélanger, situé rue de La Roche. Parmi ceux qui se pointent le nez dans les boutiques, on compte de rares collectionneurs. Et des croyants, qui possèdent des oratoires domestiques, situés sur les murs des cuisines ou des chambres à coucher, par exemple. «Il y a aussi les croix de chemin et niches qui sont érigées sur les terrains privés et qui se renouvellent en dépit de tout. Ce sont des lieux d'accueil importants, pour les statuettes surtout», remarque Jean Simard, professeur retraité de l'Université Laval, qui a beaucoup étudié les pratiques religieuses populaires.
Bien sûr, ce ne sont pas les statuettes, chapelets et plaques de confirmation qui vont faire vivre un commerce. Comme le marché des objets religieux n'est pas en expansion, il faut ratisser large pour survivre. En plus de desservir des paroisses, à qui elles procurent soutanes, calices et autres articles de chapelle, Desmarais et Robitaille ainsi que Bertrand Foucher Bélanger ont des clients ailleurs au Canada, parfois même aux États-Unis. Tout comme Créations Pierre Charbonneau, une entreprise de Mirabel qui fabrique à la chaîne ces petites croix en bois verni que certains enfants reçoivent à leur première commu-nion. Chaque année, ils écoulent plus de 50 000 pièces (croix, mais aussi plaques et crucifix) de part et d'autre de la frontière.
Le propriétaire de Desmarais et Robitaille, Gabriel Robitaille, essaie aussi d'exploiter le potentiel artistique de certains des objets, par exemple les sculptures de la nativité de l'artiste Rose-Anne Monat, ou encore les santons, ces figurines de crèche qui prennent la forme des personnages typiques québécois - bûcheron, loup-garou, Alexis le Trotteur. «Il reste un certain segment de la population intéressé à des choses plus artistiques. C'est un aspect qu'il faut mettre de l'avant, tout en gardant l'oeil sur les gens attachés aux choses traditionnelles. Il faut jouer serré. Je ne pense pas que le marché va s'éteindre, mais il ne faut pas penser qu'il va remonter...»
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