La liberté religieuse discutée au Vatican
Posté : 22 juin06, 22:27
La liberté religieuse discutée au Vatican
La rapporteur spéciale de l'ONU pour la liberté des religions s'est rendue au Vatican pour une série de consultations
Asma Jahangir est inquiète. Depuis deux ans qu’elle sillonne le monde comme rapporteur spéciale de l’ONU pour la liberté de religion (lire La Croix du 3 octobre 2005), certaines évolutions lui semblent dangereuses. Pour en parler, elle a entrepris en fin de semaine dernière une série de consultations auprès du Saint-Siège, particulièrement à la Secrétairerie d’État et au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
Que ce soit en Inde, au Sri Lanka ou en Afghanistan, les problèmes liés à la coexistence des religions se multiplient, notamment pour ce qu’Asma Jahangir appelle « la propagation de la religion », terme qu’elle préfère à celui, trop négatif, de « prosélytisme ». Pour cette avocate au barreau de Lahore (Pakistan), défenseur acharnée des droits de l’homme dans son pays, il n’est pas question d’interdire de professer publiquement sa religion.
Mais la ligne entre « propagation » et « obligation » n’est pas toujours claire. « Notamment dans les pays en situation de crise », observe- t-elle. Ainsi, au Sri Lanka, après le tsunami, des groupes évangéliques ont-ils lié leur aide à une campagne de christianisation, entraînant de violentes réactions de la population. Difficile d’agir, car les conversions forcées ne relèvent pas des droits de l’homme – sauf quand il y a contrainte physique –, mais plutôt de l’éthique de chaque religion. Et toute interdiction de pratiquer des conversions, réponse prônée par certains États, est une atteinte à la liberté religieuse.
" Chaque individu a le droit de choisir sa religion"
« Je voulais connaître l’opinion du Saint-Siège sur cette évolution », confie la représentante de l’ONU, « heureusement surprise » par l’insistance de ses interlocuteurs sur la liberté religieuse. Mais « il est important de savoir ce que chacun met derrière ce terme, car les définitions peuvent varier », ajoute-t-elle. L’avocate pakistanaise a aussi trouvé à Rome des responsables particulièrement « clairs » sur le problème des conversions. « Pour l’Église catholique, chaque individu a le droit de choisir sa religion, à condition que sa liberté soit respectée. »
Il faut dire que le sujet préoccupe aussi le Vatican. Le 18 mai, devant l’ambassadeur de l’Inde, Benoît XVI s’était publiquement inquiété des signes d’intolérance religieuse dans ce pays. Discrètement, en mai toujours, s’est tenue près de Rome une réunion entre le Conseil œcuménique des Églises (COE) et le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, autour du problème des conversions, avec des représentants du bouddhisme et de l’islam. À terme, l’objectif de cette concertation est de parvenir à définir une sorte de charte de bonne conduite et, dans un premier temps, « de lever les malentendus », précise Mgr Felix Machado, sous-secrétaire de ce Conseil pontifical : « Nous sommes accusés de prosélytisme et inversement, dans certaines régions du monde, la conversion au catholicisme est considérée comme un crime. » Question complexe.
Pour Mgr Machado, « il est de notre devoir, comme chrétiens, d’inviter chacun à devenir disciple de Jésus, unique sauveur de tous ». Or, ajoute le prélat indien, « depuis Vatican II, l’Église catholique est claire : nous devons propager la foi en respectant la liberté humaine et en préservant la dignité de chaque homme ». La position catholique doit être mieux connue, estime-t-on aujourd’hui au Vatican, car sur le terrain, les confusions se multiplient. « S’il y a des abus de notre part, ils sont rares, affirme Mgr Machado, car les évêques sont avertis. Mais dans des pays où le christianisme est mal connu, on ne fait pas la différence entre les catholiques et des groupes évangéliques. Il est surprenant de voir combien ce reproche nous est souvent adressé, et avec quelle violence. »
Isabelle de GAULMYN à Rome
La rapporteur spéciale de l'ONU pour la liberté des religions s'est rendue au Vatican pour une série de consultations
Asma Jahangir est inquiète. Depuis deux ans qu’elle sillonne le monde comme rapporteur spéciale de l’ONU pour la liberté de religion (lire La Croix du 3 octobre 2005), certaines évolutions lui semblent dangereuses. Pour en parler, elle a entrepris en fin de semaine dernière une série de consultations auprès du Saint-Siège, particulièrement à la Secrétairerie d’État et au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
Que ce soit en Inde, au Sri Lanka ou en Afghanistan, les problèmes liés à la coexistence des religions se multiplient, notamment pour ce qu’Asma Jahangir appelle « la propagation de la religion », terme qu’elle préfère à celui, trop négatif, de « prosélytisme ». Pour cette avocate au barreau de Lahore (Pakistan), défenseur acharnée des droits de l’homme dans son pays, il n’est pas question d’interdire de professer publiquement sa religion.
Mais la ligne entre « propagation » et « obligation » n’est pas toujours claire. « Notamment dans les pays en situation de crise », observe- t-elle. Ainsi, au Sri Lanka, après le tsunami, des groupes évangéliques ont-ils lié leur aide à une campagne de christianisation, entraînant de violentes réactions de la population. Difficile d’agir, car les conversions forcées ne relèvent pas des droits de l’homme – sauf quand il y a contrainte physique –, mais plutôt de l’éthique de chaque religion. Et toute interdiction de pratiquer des conversions, réponse prônée par certains États, est une atteinte à la liberté religieuse.
" Chaque individu a le droit de choisir sa religion"
« Je voulais connaître l’opinion du Saint-Siège sur cette évolution », confie la représentante de l’ONU, « heureusement surprise » par l’insistance de ses interlocuteurs sur la liberté religieuse. Mais « il est important de savoir ce que chacun met derrière ce terme, car les définitions peuvent varier », ajoute-t-elle. L’avocate pakistanaise a aussi trouvé à Rome des responsables particulièrement « clairs » sur le problème des conversions. « Pour l’Église catholique, chaque individu a le droit de choisir sa religion, à condition que sa liberté soit respectée. »
Il faut dire que le sujet préoccupe aussi le Vatican. Le 18 mai, devant l’ambassadeur de l’Inde, Benoît XVI s’était publiquement inquiété des signes d’intolérance religieuse dans ce pays. Discrètement, en mai toujours, s’est tenue près de Rome une réunion entre le Conseil œcuménique des Églises (COE) et le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, autour du problème des conversions, avec des représentants du bouddhisme et de l’islam. À terme, l’objectif de cette concertation est de parvenir à définir une sorte de charte de bonne conduite et, dans un premier temps, « de lever les malentendus », précise Mgr Felix Machado, sous-secrétaire de ce Conseil pontifical : « Nous sommes accusés de prosélytisme et inversement, dans certaines régions du monde, la conversion au catholicisme est considérée comme un crime. » Question complexe.
Pour Mgr Machado, « il est de notre devoir, comme chrétiens, d’inviter chacun à devenir disciple de Jésus, unique sauveur de tous ». Or, ajoute le prélat indien, « depuis Vatican II, l’Église catholique est claire : nous devons propager la foi en respectant la liberté humaine et en préservant la dignité de chaque homme ». La position catholique doit être mieux connue, estime-t-on aujourd’hui au Vatican, car sur le terrain, les confusions se multiplient. « S’il y a des abus de notre part, ils sont rares, affirme Mgr Machado, car les évêques sont avertis. Mais dans des pays où le christianisme est mal connu, on ne fait pas la différence entre les catholiques et des groupes évangéliques. Il est surprenant de voir combien ce reproche nous est souvent adressé, et avec quelle violence. »
Isabelle de GAULMYN à Rome