Le subtil lobbying des parents homos
Posté : 17 mai06, 03:23
Famille
Le subtil lobbying des parents homos
En vingt ans, ils ont conquis l'Université, les médias... et s'acharnent auprès des politiques. Leur but : faire accepter légalement que les homos élèvent des enfants. Enquête sur une pression aussi discrète qu'efficace.
Violaine de Montclos
1997. Dans le séjour d'un appartement parisien, trois membres de l'Association des parents gays et lesbiens, dont Martine Gross, lesbienne et mère de deux enfants, se livrent à un brainstorming informel. Objectif : inventer le terme qui devra désigner ce qui est encore à l'époque une bizarrerie sociale, être parents tout en étant homosexuels. Les familles « monoparentales » n'ont été comptabilisées par l'Insee qu'après avoir été nommées. Il faut donc, pensent à raison ces militants, nommer les familles d'homos pour les faire exister. Les mots fusent. Trop complexes. Pas assez accrocheurs. Et puis c'est l'évidence : « Homoparentalité ». Simple. Neutre. Presque scientifique. « Nous avons décidé d'utiliser ce terme pour qu'il entre, via les médias, dans le vocabulaire commun, raconte Martine Gross. Nous songions alors, sans du tout y croire, qu'il serait drôle de découvrir un jour notre invention dans un article du Figaro. » Moins de dix ans plus tard, le terme a tant été repris par l'ensemble des médias - dont Le Figaro ! -, il a si bien pénétré le langage courant qu'il a désormais, ultime officialisation, sa définition dans le Petit Larousse et dans le Robert.
Pas de locaux. Peu de subventions. Quelques téléphones portables en surchauffe, un journal interne artisanal, des énergies uniquement bénévoles. L'Association des parents gays et lesbiens, qui ne fait pas précisément l'effet d'un lobby surpuissant, fête cette année ses 20 ans. Le temps qu'il lui a fallu pour inventer, médiatiser, politiser l'idée que des couples homosexuels veulent et peuvent être parents. La France n'est pas seule à devoir prêter l'oreille à cette revendication inédite. D'autres pays, comme l'Espagne ou les Pays-Bas, y ont déjà répondu favorablement, signe que les mutations profondes de la famille dépassent les frontières. Mais si notre société est sans doute prête aujourd'hui à l'entendre, et quoi que l'on pense de cette question complexe, il est certain que l'émergence de ce débat est le résultat direct d'un subtil et brillant lobbying. Un véritable cas d'école.
Tout commence en 1986. Philippe Fretté, professeur agrégé de physique, rentre en France après avoir enseigné à San Francisco. Sur la côte Est des Etats-Unis, on évoque déjà la possibilité pour les gays d'adopter des enfants. Impensable en France, où l'homosexualité n'a été dépénalisée qu'en 1982. Fretté aimerait en discuter, il passe une annonce dans le journal Gay-Pied. Quelques hommes répondent. La plupart sont des hommes divorcés, devenus pères à l'issue d'une première union hétérosexuelle. L'Association des parents gays est née. Au milieu des années 90, l'association compte 70 adhérents. Eric Dubreuil, venu du monde de la communication, et Martine Gross, ingénieur de recherche au CNRS, ont pris la tête de l'association. Il est temps de passer au combat militant. A l'époque, la première doléance du monde homosexuel est encore celle du statut du couple. Parler d'enfants serait une grossière erreur stratégique. L'APGL, lucide, procède par étapes et fait des choix malins.
D'abord, prendre de la hauteur. Aucune étude n'a jamais été publiée en France sur la parentalité homosexuelle. Martine Gross joint toutes les unités de recherche, tous les laboratoires en sciences sociales susceptibles d'être intéressés. Trois cents lettres. Deux réponses. Une ethnologue et un sociologue, ignorant tout de la question, acceptent d'y réfléchir. C'est dire le peu d'intérêt que le sujet suscite alors. Mais la conquête commence. Les têtes pensantes de l'association connaissent bien le monde universitaire. Elles savent qu'il suffit qu'un ou deux chercheurs connus se penchent sur le sujet pour susciter l'intérêt des autres.
Seule la loi n'a pas bougé. Le plus difficile est de mettre la machine en route. Et l'association réussit ce tour de force. En échange d'une confidentialité absolue, elle convainc une vingtaine de chercheurs - François de Singly, Dominique Mehl, Anne Cadoret... - de se réunir toutes les six semaines pour réfléchir à la parentalité homosexuelle. L'expérience dure deux ans. La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval se souvient de l'atmosphère étrange de ces réunions clandestines : « Tout le monde était un peu ahuri par la bizarrerie du débat, on se toisait, certains arrivaient en retard pour bien faire comprendre qu'ils "n'en étaient pas". On en était là, à l'époque. »
On était en 1997, année zéro de la recherche universitaire sur la parentalité homosexuelle. Aujourd'hui, certains étudiants désireux d'observer des familles homoparentales sont recalés par l'APGL. « Les demandes sont trop nombreuses, nous n'acceptons plus que les troisièmes cycles », admet Martine Gross. Aujourd'hui, rien n'est plus facile pour un journaliste travaillant sur le sujet que de solliciter l'avis d'un ponte, anthropologue, sociologue ou psychanalyste, capable de fournir une réflexion solide sur ce sujet ignoré il y a seulement dix ans. L'APGL a gagné haut la main le pari de l'intellectualisation.
Comme elle a gagné celui de la banalisation. Lorsque l'association se lance dans le militantisme, elle cherche à faire passer un argument d'une simplicité confondante : il ne s'agit pas de concevoir, pour l'avenir, une famille d'un troisième type, il s'agit de prendre acte d'une réalité qui existe déjà. Or, pour faire exister, il faut nommer, ce que l'APGL réussit à faire, mais il faut aussi chiffrer. On ne dispose en France d'aucun outil statistique permettant de dénombrer les couples homosexuels, et encore moins les familles homoparentales. Contrainte aux suppositions, Martine Gross fait donc sa propre cuisine : en recoupant le rapport Kinsey (environ 7 % d'une population est homosexuelle) et un sondage du magazine Têtu publié en 1997 (11 % des lesbiennes seraient mères et 7 % des gays seraient pères), elle conclut que 250 000 enfants en France seraient concernés par l'homoparentalité. Patrick Festy, chercheur à l'Ined, procède autrement : il reporte les statistiques officielles réalisées sur l'homoparentalité en Allemagne ou aux Pays-Bas à la population française et trouve... environ 30 000 enfants concernés. « Il y a des situations que je ne comptabilise pas, comme les enfants ne vivant pas avec leurs parents homosexuels, admet-il. Mais même en gonflant mes résultats, on est quand même loin de ceux de l'APGL. » En l'absence de données officielles, impossible de trancher ce débat du nombre. Mais ce sont exclusivement les chiffres de l'association que la presse, dès le départ, médiatise.
Car, pour faire exister, il faut aussi médiatiser. Et ce fut sans doute la bataille la plus facile à remporter. En 1997, Eric Dubreuil, dans un éditorial du journal interne, encourage les adhérents à témoigner à visage découvert. Il faut dédramatiser, normaliser, montrer que les parents homosexuels sont des parents comme les autres. Le débat sur le Pacs se profile, ses opposants pointent le problème de l'adoption. Il n'en faut pas plus pour que les médias se précipitent sur ces familles prêtes à raconter leurs vies « normales ». A partir de 1998, les reportages de télévision et les enquêtes de la presse écrite se multiplient, qu'importe si les témoins sont un peu toujours les mêmes. Jusqu'à cette une du Monde, le 14 mars 1999, qu'Eric Garnier, actuel coprésident de l'APGL, brandit comme une victoire. « Cette une nous a beaucoup aidés. A partir de cette date, il ne s'est pas passé un mois sans qu'un journal ou une chaîne de télé s'intéresse à nous. Et puis une double page du Monde vous légitime auprès des politiques. »
Car il reste à faire évoluer la loi, qui jusqu'ici n'a pas bougé. Du côté des tribunaux, l'APGL encourage ses 1 500 adhérents à porter si besoin leurs cas devant la justice, met un genre de hot line juridique à leur disposition et organise des collectes pour aider à payer les procès. De loin en loin, des décisions de justice commencent à dessiner les contours de l'homoparentalité : le 24 février dernier, dans un arrêt qui fera date, la Cour de cassation autorisait Christine et Sophie à exercer en commun l'autorité parentale sur leurs deux filles, conçues par insémination artificielle.
Sensibiliser les politiques. Dans le même temps, l'association s'emploie à conquérir le monde politique. Eric Garnier, de son petit appartement du Nord-Est parisien où trônent les clichés d'une adolescente souriante - sa fille conçue en coparentalité -, pilote une sorte de bureau politique informel qui s'est fixé trois missions. Rassurer. « Il faut d'abord que les politiques s'habituent à nous, qu'ils n'aient plus peur, explique-t-il. Nous les rencontrons donc le plus souvent et le plus régulièrement possible. » Repérer ensuite parmi eux ceux qui, quel que soit leur bord, sont susceptibles d'évoluer sur la question, et ne plus les lâcher. « Je décortique tous leurs propos dans la presse, j'essaie de cibler. Inutile d'essayer de les convaincre tous, admet-il. Il suffit de quelques-uns pour faire basculer la donne politique. » Sur la table de son salon, Eric Garnier écrit à la main une dizaine de lettres par semaine - « facile, je suis professeur de français », - rencontre en moyenne cinq personnalités politiques par mois, et a porté lui-même aux parlementaires, pour économiser les timbres, 1 000 invitations à la conférence qu'organisait l'APGL en octobre. Il raconte en riant ce cocktail donné par la Haute Autorité contre les discriminations où, s'attardant un peu, il a réussi à coincer sept ministres et à s'offrir deux rapides tête-à-tête avec Dominique de Villepin et Jacques Chirac. Mais ce lobbying de bouts de ficelle est en train de payer. Claude Chirac l'a reçu trois fois. Dominique Strauss-Kahn a accepté de préfacer un livre sur les parents de même sexe. Et Garnier se demande si son entretien avec Bernard Accoyer n'a pas retenu ce dernier de signer la pétition des parlementaires contre l'homoparentalié. « Je lui ai aussitôt écrit pour le féliciter. » La présidentielle achèvera sans doute de politiser le sujet, et le reste n'est plus qu'une affaire de mois, ou d'années. L'APGL, des témoignages aux chiffres, a fourni toutes les pièces du dossier
Le subtil lobbying des parents homos
En vingt ans, ils ont conquis l'Université, les médias... et s'acharnent auprès des politiques. Leur but : faire accepter légalement que les homos élèvent des enfants. Enquête sur une pression aussi discrète qu'efficace.
Violaine de Montclos
1997. Dans le séjour d'un appartement parisien, trois membres de l'Association des parents gays et lesbiens, dont Martine Gross, lesbienne et mère de deux enfants, se livrent à un brainstorming informel. Objectif : inventer le terme qui devra désigner ce qui est encore à l'époque une bizarrerie sociale, être parents tout en étant homosexuels. Les familles « monoparentales » n'ont été comptabilisées par l'Insee qu'après avoir été nommées. Il faut donc, pensent à raison ces militants, nommer les familles d'homos pour les faire exister. Les mots fusent. Trop complexes. Pas assez accrocheurs. Et puis c'est l'évidence : « Homoparentalité ». Simple. Neutre. Presque scientifique. « Nous avons décidé d'utiliser ce terme pour qu'il entre, via les médias, dans le vocabulaire commun, raconte Martine Gross. Nous songions alors, sans du tout y croire, qu'il serait drôle de découvrir un jour notre invention dans un article du Figaro. » Moins de dix ans plus tard, le terme a tant été repris par l'ensemble des médias - dont Le Figaro ! -, il a si bien pénétré le langage courant qu'il a désormais, ultime officialisation, sa définition dans le Petit Larousse et dans le Robert.
Pas de locaux. Peu de subventions. Quelques téléphones portables en surchauffe, un journal interne artisanal, des énergies uniquement bénévoles. L'Association des parents gays et lesbiens, qui ne fait pas précisément l'effet d'un lobby surpuissant, fête cette année ses 20 ans. Le temps qu'il lui a fallu pour inventer, médiatiser, politiser l'idée que des couples homosexuels veulent et peuvent être parents. La France n'est pas seule à devoir prêter l'oreille à cette revendication inédite. D'autres pays, comme l'Espagne ou les Pays-Bas, y ont déjà répondu favorablement, signe que les mutations profondes de la famille dépassent les frontières. Mais si notre société est sans doute prête aujourd'hui à l'entendre, et quoi que l'on pense de cette question complexe, il est certain que l'émergence de ce débat est le résultat direct d'un subtil et brillant lobbying. Un véritable cas d'école.
Tout commence en 1986. Philippe Fretté, professeur agrégé de physique, rentre en France après avoir enseigné à San Francisco. Sur la côte Est des Etats-Unis, on évoque déjà la possibilité pour les gays d'adopter des enfants. Impensable en France, où l'homosexualité n'a été dépénalisée qu'en 1982. Fretté aimerait en discuter, il passe une annonce dans le journal Gay-Pied. Quelques hommes répondent. La plupart sont des hommes divorcés, devenus pères à l'issue d'une première union hétérosexuelle. L'Association des parents gays est née. Au milieu des années 90, l'association compte 70 adhérents. Eric Dubreuil, venu du monde de la communication, et Martine Gross, ingénieur de recherche au CNRS, ont pris la tête de l'association. Il est temps de passer au combat militant. A l'époque, la première doléance du monde homosexuel est encore celle du statut du couple. Parler d'enfants serait une grossière erreur stratégique. L'APGL, lucide, procède par étapes et fait des choix malins.
D'abord, prendre de la hauteur. Aucune étude n'a jamais été publiée en France sur la parentalité homosexuelle. Martine Gross joint toutes les unités de recherche, tous les laboratoires en sciences sociales susceptibles d'être intéressés. Trois cents lettres. Deux réponses. Une ethnologue et un sociologue, ignorant tout de la question, acceptent d'y réfléchir. C'est dire le peu d'intérêt que le sujet suscite alors. Mais la conquête commence. Les têtes pensantes de l'association connaissent bien le monde universitaire. Elles savent qu'il suffit qu'un ou deux chercheurs connus se penchent sur le sujet pour susciter l'intérêt des autres.
Seule la loi n'a pas bougé. Le plus difficile est de mettre la machine en route. Et l'association réussit ce tour de force. En échange d'une confidentialité absolue, elle convainc une vingtaine de chercheurs - François de Singly, Dominique Mehl, Anne Cadoret... - de se réunir toutes les six semaines pour réfléchir à la parentalité homosexuelle. L'expérience dure deux ans. La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval se souvient de l'atmosphère étrange de ces réunions clandestines : « Tout le monde était un peu ahuri par la bizarrerie du débat, on se toisait, certains arrivaient en retard pour bien faire comprendre qu'ils "n'en étaient pas". On en était là, à l'époque. »
On était en 1997, année zéro de la recherche universitaire sur la parentalité homosexuelle. Aujourd'hui, certains étudiants désireux d'observer des familles homoparentales sont recalés par l'APGL. « Les demandes sont trop nombreuses, nous n'acceptons plus que les troisièmes cycles », admet Martine Gross. Aujourd'hui, rien n'est plus facile pour un journaliste travaillant sur le sujet que de solliciter l'avis d'un ponte, anthropologue, sociologue ou psychanalyste, capable de fournir une réflexion solide sur ce sujet ignoré il y a seulement dix ans. L'APGL a gagné haut la main le pari de l'intellectualisation.
Comme elle a gagné celui de la banalisation. Lorsque l'association se lance dans le militantisme, elle cherche à faire passer un argument d'une simplicité confondante : il ne s'agit pas de concevoir, pour l'avenir, une famille d'un troisième type, il s'agit de prendre acte d'une réalité qui existe déjà. Or, pour faire exister, il faut nommer, ce que l'APGL réussit à faire, mais il faut aussi chiffrer. On ne dispose en France d'aucun outil statistique permettant de dénombrer les couples homosexuels, et encore moins les familles homoparentales. Contrainte aux suppositions, Martine Gross fait donc sa propre cuisine : en recoupant le rapport Kinsey (environ 7 % d'une population est homosexuelle) et un sondage du magazine Têtu publié en 1997 (11 % des lesbiennes seraient mères et 7 % des gays seraient pères), elle conclut que 250 000 enfants en France seraient concernés par l'homoparentalité. Patrick Festy, chercheur à l'Ined, procède autrement : il reporte les statistiques officielles réalisées sur l'homoparentalité en Allemagne ou aux Pays-Bas à la population française et trouve... environ 30 000 enfants concernés. « Il y a des situations que je ne comptabilise pas, comme les enfants ne vivant pas avec leurs parents homosexuels, admet-il. Mais même en gonflant mes résultats, on est quand même loin de ceux de l'APGL. » En l'absence de données officielles, impossible de trancher ce débat du nombre. Mais ce sont exclusivement les chiffres de l'association que la presse, dès le départ, médiatise.
Car, pour faire exister, il faut aussi médiatiser. Et ce fut sans doute la bataille la plus facile à remporter. En 1997, Eric Dubreuil, dans un éditorial du journal interne, encourage les adhérents à témoigner à visage découvert. Il faut dédramatiser, normaliser, montrer que les parents homosexuels sont des parents comme les autres. Le débat sur le Pacs se profile, ses opposants pointent le problème de l'adoption. Il n'en faut pas plus pour que les médias se précipitent sur ces familles prêtes à raconter leurs vies « normales ». A partir de 1998, les reportages de télévision et les enquêtes de la presse écrite se multiplient, qu'importe si les témoins sont un peu toujours les mêmes. Jusqu'à cette une du Monde, le 14 mars 1999, qu'Eric Garnier, actuel coprésident de l'APGL, brandit comme une victoire. « Cette une nous a beaucoup aidés. A partir de cette date, il ne s'est pas passé un mois sans qu'un journal ou une chaîne de télé s'intéresse à nous. Et puis une double page du Monde vous légitime auprès des politiques. »
Car il reste à faire évoluer la loi, qui jusqu'ici n'a pas bougé. Du côté des tribunaux, l'APGL encourage ses 1 500 adhérents à porter si besoin leurs cas devant la justice, met un genre de hot line juridique à leur disposition et organise des collectes pour aider à payer les procès. De loin en loin, des décisions de justice commencent à dessiner les contours de l'homoparentalité : le 24 février dernier, dans un arrêt qui fera date, la Cour de cassation autorisait Christine et Sophie à exercer en commun l'autorité parentale sur leurs deux filles, conçues par insémination artificielle.
Sensibiliser les politiques. Dans le même temps, l'association s'emploie à conquérir le monde politique. Eric Garnier, de son petit appartement du Nord-Est parisien où trônent les clichés d'une adolescente souriante - sa fille conçue en coparentalité -, pilote une sorte de bureau politique informel qui s'est fixé trois missions. Rassurer. « Il faut d'abord que les politiques s'habituent à nous, qu'ils n'aient plus peur, explique-t-il. Nous les rencontrons donc le plus souvent et le plus régulièrement possible. » Repérer ensuite parmi eux ceux qui, quel que soit leur bord, sont susceptibles d'évoluer sur la question, et ne plus les lâcher. « Je décortique tous leurs propos dans la presse, j'essaie de cibler. Inutile d'essayer de les convaincre tous, admet-il. Il suffit de quelques-uns pour faire basculer la donne politique. » Sur la table de son salon, Eric Garnier écrit à la main une dizaine de lettres par semaine - « facile, je suis professeur de français », - rencontre en moyenne cinq personnalités politiques par mois, et a porté lui-même aux parlementaires, pour économiser les timbres, 1 000 invitations à la conférence qu'organisait l'APGL en octobre. Il raconte en riant ce cocktail donné par la Haute Autorité contre les discriminations où, s'attardant un peu, il a réussi à coincer sept ministres et à s'offrir deux rapides tête-à-tête avec Dominique de Villepin et Jacques Chirac. Mais ce lobbying de bouts de ficelle est en train de payer. Claude Chirac l'a reçu trois fois. Dominique Strauss-Kahn a accepté de préfacer un livre sur les parents de même sexe. Et Garnier se demande si son entretien avec Bernard Accoyer n'a pas retenu ce dernier de signer la pétition des parlementaires contre l'homoparentalié. « Je lui ai aussitôt écrit pour le féliciter. » La présidentielle achèvera sans doute de politiser le sujet, et le reste n'est plus qu'une affaire de mois, ou d'années. L'APGL, des témoignages aux chiffres, a fourni toutes les pièces du dossier