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6 Juillet 2005
le site proche-orient.info
FERME
Le couperet est tombé avant-hier. Les actionnaires du journal, au premier rang desquels Élisabeth Schemla, ont du se résigner la mort dans l’âme à la fermeture du quotidien en ligne, après trois ans d’existence.
Cette disparition d’un titre de la presse française – et francophone – qui a tenté d’inventer un modèle économique sur Internet, témoigne de l’impossibilité de faire vivre aujourd’hui un média indépendant à tous points de vue, libre de toute entrave.
Le paradoxe - qui rend la chose plus douloureuse encore -, c’est que Proche-orient.info était une réussite. Fréquentation, notoriété, crédibilité ont été au rendez-vous. Le journal, au-delà des adhésions ou des contestations intellectuelles, des amitiés ou des inimitiés politiques, était devenu une référence. Il n’est pas besoin de rappeler son poids et son rôle sur tant et tant de sujets.
Alors pourquoi, dans ces conditions, a-t-il fallu en arriver là ?
Un journal en ligne est un organe de presse comme un autre. Une entreprise comme une autre.
Les actionnaires de POI l’ont soutenu depuis le début de l’aventure, chacun à titre personnel, sans jamais se dérober quand nous avons fait appel à eux, plus souvent qu’à leur tour. Nous tenons, ici, au moment de baisser le rideau, à les remercier pour cette immense chance qu’ils nous ont accordée. À leur dire aussi que nous comprenons la décision qu’ils ont prise, avec tristesse et regret sans aucun doute.
Nous savons encore que tous les journalistes et collaborateurs de POI ont donné leurs nuits, leur passion dévorante, leur professionnalisme pour « notre bébé », comme ils l’appellent. Ils se sont engagés avec flamme et sans compter dans ce combat journalistique et politique, les uns Français, les autres Israéliens, Libanais, Turcs ou Algériens, les uns juifs, les autres musulmans, les autres chrétiens. Ils ont été magnifiques, et jusque dans ces instants si dramatiques où ils ont appris, comme ça, qu’ils se retrouveraient le lendemain même devant un écran noir d’ordinateur et au chômage.
Et puis, il y a eu les lectrices et lecteurs qui ont fait notre succès et la joie, chaque jour, de suivre les statistiques de fréquentation de Nettraker et de Weborama. Ils attendaient ce journal, il y a quelques années, et ils l’ont trouvé. Nous avons été si heureux de le faire pour eux, dans l’allégresse, les engueulades permanentes, les fous rires, la fierté et, toujours, l’anxiété que nous procuraient notre mission assumée et les difficiles sujets que nous traitions. Nos lecteurs…. Pas toujours d’accord avec telle ou telle ligne éditoriale, parfois enthousiastes, parfois agacés, parfois violents, mais toujours là. Nous leur disons toute notre reconnaissance.
Et plus particulièrement à ceux, parmi eux, qui ont su entendre nos multiples appels - au lieu de ricaner ou de dénigrer notre démarche - pour qu’ils s’abonnent à POI. Tant il est vrai que pas un journal ne peut vivre sans l’apport financier de ses lecteurs. À qui viendrait-il à l’idée de refuser de payer un journal acheté en kiosque ? Nous avons à l’envi répété que sans ces abonnements, sans l’implication de ce troisième pilier que sont les lecteurs, nous n’y arriverions pas seuls. Il aurait suffi, sur plus de 10 000 abonnés gratuits à la newsletter du soir, que 3 000 nous apportent la juste rémunération de notre travail pour que POI puisse continuer à vivre.
Les jeux sont faits. Tous ceux qui ont confectionné ce journal avec tant de foi ont la conviction que son arrêt est une faute intellectuelle et politique. De faux amis et de vrais ennemis pousseront des soupirs de satisfaction ou des cris de victoire que nous entendons d’ici : ils ne nous empêcheront pas de continuer.
Proche-orient.info ne dépose pas le bilan, il n’est pas en liquidation judiciaire. La société perdure, et nous continuerons à assurer en particulier la veille médiatique des journaux, des radios et des chaînes de télévision arabes et turcs, car nos carnets de commandes sont pleins. Avant le mois d’août, tout ce travail sera consultable sur notre adresse habituelle. À partir de septembre, nous mettrons en ligne au fur et à mesure toutes nos traductions. À chacun de les utiliser comme il l’entendra.
Pour le journal, la dernière page est tournée.