Jean-Michel BERARD Talange, le 7 septembre 2006
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Lettre ouverte à M. Bertrand Delanoë, maire de Paris
CONSIDERATIONS SUR LE PAPE JEAN-PAUL II , « HOMME DE PAIX ET DE TOLERANCE »
Le 3 septembre dernier M. Delanoë, vous avez, en tant que maire de Paris, inauguré le parvis de Notre-Dame qui désormais s’appelle également « place Jean-Paul II », entre les représentants de l’Eglise catholique et des manifestations hostiles des Verts, d’Act Up et des Panthères roses qui ont rappelé bruyamment les positions de l’ancien Souverain pontife, désastreuses pour la lutte contre le Sida. Vous connaissez leurs arguments, je ne reviens pas dessus.
En revanche, au-delà de l’inauguration elle-même, ce sont vos éloges du Pape Jean-Paul II, qui moi, m’ont blessé au plus haut point. « Jean-Paul II, homme de paix, Jean-Paul II, sentinelle majeure des temps modernes », ce sont vos propres mots. Votre conviction religieuse, parfaitement respectable à titre personnel, mais déjà plus critiquable en tant qu’élu de la République laïque (qui ne signifie pas « athée », je vous l’accorde mais « distincte », « séparée ») ne vous autorise pourtant pas à proférer de telles inepties qui sont profondément insultantes envers les victimes de la politique d’un homme à la fois représentant religieux et chef d’Etat.
Saviez-vous que dès avant l’éclatement tragique de la Yougoslavie, la Banque du Vatican avait versé par l’intermédiaire du Institute for the Dissemination of Religion, 1.988.300 dollars pour acheter des armes à Beyrouth et les offrir à la Croatie, sur le chemin de la sécession violente, comme le révèle, documents à l’appui, Jacques Merlino, alors rédacteur en chef adjoint de France 2 ? (1) Les voies du Seigneur sont impénétrables…
Les efforts du Saint Siège rejoignaient ceux du Ministre allemand des Affaires étrangères, Hans-Dietrich Genscher. Le 3 octobre 1990, avec la réunification allemande, une armée entière, celle de la RDA, disparaissait d’Europe. Que sont les armes devenues ? Nous les retrouvons en Croatie, et n’y voyez pas une quelconque levée de boucliers face à une « agression serbe ». 1990, c’était un an avant la guerre. Selon l’Institut de géopolitique et d’armements Jane’s Information Group, l’Allemagne a exporté vers Zagreb de janvier 1992 à avril 1994 pour plus de 300 millions de dollars d’armement. Non seulement des AK-47 Kalachnikov, mais aussi des hélicoptères d’attaque MI 24, des avions Mig 21, des chars T 55 et T 72, des missiles Milan. En violation de l’embargo, l’Allemagne et le Vatican se sont livrés, au vu et au su de tout le monde, à un énorme trafic d’armes avec la Croatie, trafic qui a atteint des sommets en 1995.
Lorsque l’on sait que le Chancelier Helmut Kohl était pratiquement l’otage de la toute puissante CSU, l’union conservatrice bavaroise, et que le Pape Jean-Paul II devait son accession au Trône de Saint Pierre aux suffrages des cardinaux allemands, et notamment de l’Eglise catholique de Bavière, la plus riche de toutes, quoi d’étonnant à ce que ce soient justement l’Allemagne, le 23 décembre 1991, puis le Vatican, le 13 janvier 1992, les premiers Etats pressés de reconnaître deux nouveaux pays catholiques, sapant par là-même les efforts de la Communauté européenne pour éviter l’embrasement généralisé? Quelques jours après, le Pape adressait une lettre à Genscher en gémissant : « qu’avons-nous fait ? ». Il était bien temps de s’en soucier. « Les responsabilités de l’Allemagne et du Vatican dans l’accélération de la crise ont été évidemment écrasantes » déclara Roland Dumas, Ministre des Affaires étrangères, au Forum de Crans-Montana, le 16 juin 1993 (2).
En 1995, lorsque la Croatie surarmée lança ses divisions trois fois supérieures en nombre contre les défenses des Serbes de Croatie, en Krajina, votre même apôtre de la Paix leur offrit sa bénédiction, saluant « la guerre juste ». Qu’est-ce qu’une guerre juste selon Jean-Paul II ? Ce sont des milliers de civils, coupables d’avoir refusé d’être croacisés de force, massacrés, trois évêchés de l’Eglise orthodoxe éradiqués, des centaines de milliers de réfugiés jetés sur les routes, mitraillés d’avion. La guerre juste de votre icône, c’est « la plus grande et la plus féroce opération de purification ethnique des guerres yougoslaves », selon l’expression du secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali. Des casques bleus danois et tchèques, horrifiés, qui tentèrent de s’interposer furent abattus, tandis que la presse était sagement tenue à l’écart des scènes de massacres. Un reporter de la BBC, trop curieux, paya de sa vie d’avoir voulu être témoin (3).
Mais ce n’est pas tout. Le 3 octobre 1998, votre champion de la tolérance lança un merveilleux signal œcuménique à l’Eglise orthodoxe depuis Zagreb, la capitale croate, en procédant à la béatification du cardinal Alojzije Stepinac, la caution ensoutanée de la Croatie fasciste de Ante Pavelic, qui extermina 700.000 Serbes, Juifs et Tsiganes entre 1941 et 1945 (4). Prosternez-vous, gens de peu de foi, c’est un saint homme ! En effet, il est mort assigné à résidence par le communiste Tito. Mais reconnaissez que ce n’était pas cher payé au regard des milliers de malheureux égorgés, mutilés, ou, pour les plus chanceux, convertis de force au catholicisme, l’eau bénite sur le front et le revolver sur la nuque…(5) Croyez-vous encore après cela, comme vous l’avez dit le 3 septembre dernier, que Jean-Paul II ait lutté « pour que la religion ne soit pas dévoyée au service de l’insupportable » lui qui a financé, armé, soutenu politiquement et béni les plus bellicistes croates sans un seul mot pour les centaines de milliers de réfugiés serbes ? Les hommes de paix et de bonne volonté, les seuls à ne pas céder à la folie ambiante, ont été les premières victimes de la politique de Jean-Paul II. C’est la mémoire de ces justes que vous devriez honorer plutôt, et non celle du mécène du parti de la guerre.
Ainsi Josip Riehl-Kir, le chef de la police croate en Slavonie orientale, qui a déployé des efforts magnifiques, avec succès, pour empêcher les affrontements intercommunautaires. Riehl-Kir a eu le torse déchiqueté de 16 balles, tirées à un barrage de son propre camp, croate (6). Le Président croate Franjo Tudjman, qui se réjouissait en public que sa femme « ne soit ni serbe, ni juive », n’avait pas dépensé des fortunes en matériel militaire pour ne pas s’en servir : il lui fallait sa guerre.
Pensez-vous sincèrement que ce Pape ait été « la clairvoyance active, érigée tel un rempart contre toutes les dérives intégristes », lui qu’une tolérance d’ayatollah a poussé à sanctifier un prélat fanatique qui déclarait sans ciller qu’ « Hitler était un envoyé de Dieu » et a servi de caution morale à des assassins pathologiques ? Pouvez-vous maintenir comme vous l’avez déclaré que « sa marque dépasse un cadre strictement spirituel pour s’exprimer dans le champ beaucoup plus vaste de l’humain », lui qui, visiblement, excluait les Serbes de l’espèce humaine ?
Le 22 juin 2003, le Pape Jean-Paul II se rendit à Banja Luka, en République Serbe de Bosnie, où il présida une messe à l’endroit même où 60 ans plus tôt, les extrémistes catholiques croates avaient fait un affreux carnage des Serbes orthodoxes. Souhaitait-il que l’on cédât à la provocation en attentant à sa vie ? Il y prêcha « le pardon réciproque » ! Quel joli tour de passe-passe, où l’on renvoie dos à dos victimes et bourreaux, en enjoignant aux premières d’absoudre les seconds ! C’est tout simplement écoeurant…
Qui se ressemble s’assemble, M. Delanoë. Je vous laisse en compagnie de votre grand homme. Le but politique de votre inauguration était-il, comme on le susurre dans votre entourage, de vous attirer les faveurs de l’électorat catholique ? Honnêtement, cela m’indiffère. Mais de grâce, cessez de prendre vos concitoyens pour des demeurés : votre discours était indigne, et l’apposition du nom de Jean-Paul II au parvis de Notre-Dame, une profanation.
Jean-Michel BERARD
(1) Jacques Merlino, « Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire », Albin Michel, 1993, p.84
(2) cité par Paul-Marie De La Gorce, Le Monde Diplomatique, septembre 1993
(3) Patrick Barriot et Eve Crépin, « On assassine un peuple, les Serbes de Krajina », L’Age d’Homme, 1995
(4) Au JT de 20 heures sur TF1, ce soir-là, Claire Chazal nous parla de « la personnalité controversée du cardinal Stepinac », mais surtout sans évoquer la controverse ! Des fois que l’on se mette à réfléchir…
(5) voir Hervé Laurière, « Assassins au nom de Dieu », 1993, et Marco Aurelio Rivelli, « Le génocide occulté, Etat indépendant de Croatie, 1941-1945 », 1998, les deux ouvrages chez L’Age d’Homme, et B.I. Balkans-Infos n°25, 26, 27 et 28 de septembre à décembre 1998.
(6) voir le témoignage bouleversant de sa veuve, Jadranka Riehl-Kir, dans le documentaire de la BBC « Yougoslavie, suicide d’une nation européenne », diffusé plusieurs fois sur France 2 et Arte.
Que pensez-vous de cette lettre et de la rebaptisation ???
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Ecrit le 08 sept.06, 05:07- Mickael_Keul
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