Petite géométrie de la spiritualité

[Tirésias]

Alan Watts--prêtre épiscopalien, féru de la mystique, clochard céleste, sommité de la contre-culture américaine en l'ère du Verseau et de la guerre au Vietnam, amant du spirituel et des spiritueux--était l'un de mes héros alors que je tâtais encore mon chemin vers l'univers.

Vulgarisateur par excellence des pratiques et des philosophies et religions aussi bien orientales qu'occidentales, il a joué un rôle clé dans mon propre développement spirituel. Ses pensées, ses écrits et ses conférences ont contribué au raffermissement non seulement de mon intérêt naissant pour les traditions religieuses du monde mais aussi de ma conviction profonde que l'on n'aie nul besoin de se divorcer l'âme du corps pour jouir d'une spiritualité saine et enivrante à la fois.

Dans un de ses livres (les ayant lus tous, les quarante+, j'avoue ne plus me souvenir duquel il s'agit), Watts nous dresse un petit schéma qui m'a, depuis, toujours fasciné. Au moyen d'une suite d'illustrations, il nous invite à considérer les idées multiples que se font les croyants de leur propre croyances.

Prenez un simple trait, par exemple (écrivait-il), une ligne du point A au point B. Dans les traditions chrétiennes, l'âme (voire la foi et la pratique) se meuvent entre cet Alpha et cet Oméga, souvent tant bien que mal, là en fonçant tout droit, ici à rebrousse poil. Cette tension, si bien illustrée dans Matthieu 26:41, est source de conflit pour plusieurs chrétiens (écrivait-il toujours).

Maintenant, passez à une deuxième dimension spatiale. Plutôt que de voir cette ligne comme un simple trait sur lequel le point qu'est l'âme fait du va-et-vient entre la chair et l'Éternel, voyez-y plutôt le profil horizontal d'un cercle, une fois la page dressée debout devant vous. Vous remarquerez tout de suite que ce point qu'est l'âme fait plutôt un parcours en continu sur la circonférence du cercle, chose qui apparait à celles et à ceux qui ne peuvent zieuter que la ligne comme n'étant qu'un mouvement sans cesse tiraillé entre deux pôles. Ce cercle sur lequel le point se meut représente bien, selon Watts, plusieurs traditions asiatiques pour lesquelles la roue est un symbole de l'éternel retour de l'âme.

Watts précisait qu'une manière d'ainsi situer l'âme n'était pas forcément meilleure que l'autre, mais il était clair que le monsieur avait une préférence pour le cercle.

Jacques Languirand, contemporain d'Alan Watts (et, en quelque sorte, version québécoise de ce dernier), en rajoutait une dimension spatiale de plus, affirmant que ce qui peut paraître être un cercle aux yeux de certains serait plutôt un hélicoïde lorsqu'on regarde à nouveau le cercle de profil--hélicoïde sur le pourtour duquel le point qu'est l'âme se meut, si, mais toujours en ascendant, de sorte que, bien en dépit de nos déboires spirituels, notre âme progresse tout de même vers l'Absolu, ne serait-ce que de façon circulaire.

J'ai trouvé cette conception intriguante. Petite géométrie de la spiritualité.