Les Juifs,Staline et Israel: du soutien tacite à la rupture
Les Juifs,Staline et Israel: du soutien tacite à la rupture
Ecrit le 03 oct.05, 04:37Les Juifs,Staline et Israel: du soutien tacite à la rupture consommée
Le 5 mars 1953, le Kremlin annonce le décès de Staline. Celui-ci intervient en pleine Guerre Froide, et plonge l'Union Soviétique dans la torpeur. Les Juifs communistes pleurent le libérateur d'Auschwitz et taisent l'homme des goulags et des campagnes anti-semites.
Les Juifs, Staline et Israël : itinéraire, un demi-siècle après la mort du dictateur , d'une passion mytérieuse qui associe messianisme politique et messianisme religieux.
L'antisémitisme apparait comme une constance de l'histoire russe. Le journaliste et historien Arakadi Vaksberg, auteur de l'ouvrage << Staline et les Juifs >> (Éditions Robert Laffont), parle même de << continuité >>. Une continuité qui n'en reste pas moins ambiguë. La vieille tradition nationale prend un tournant sans précédant après l'assassinat de l'acteur juif Salomon Mikhoels en 1948. La littérature et le théâtre en langue yiddish sont interdits. Même la région autonome juive du Birobidjan subit les foudres antisémites des communistes.
Les Juifs, considérés comme des agents oeuvrant à la destruction de la révolution socialiste, sont déportés dans les goulags. Juste avant sa mort, le Petit Père des peuples accuse les médecins de corrompre la démocratie socialiste. Cet épisode plus connu sous le nom du « complot des blouses blanches » se soldera par l'expédition en Sibérie de 6 médecins juifs innocents.
<< La pratique cultuelle ne se dit pas >>
A 3 000 kilomètres de là, le Parti communiste français vit à l'heure de Moscou. S'accommodant des exactions soviétiques, les nombreux Juifs communistes de l'époque tentent en secret de concilier une identité cultuelle et une idéologie politique en perpétuelle opposition. En URSS,victimes des foudres du pouvoir, le nombre de synagogues passe de 450 à 96 durant les années cinquante. Les rabbins sont molestés et les lieux cultuels dégradés.
En France, les Juifs adhérents du PCF vivent leur judaïsme << en secret >> comme le precise Jacques Frémontier dans << L'étoile rouge de David - Histoire des juifs communistes en France >> (Éditions Fayard). « La pratique cultuelle relève encore du domaine privé. Cela ne se dit pas. J'ai même rencontré un ancien militant qui allait faire ses courses dans les magasins cacher de la rue Cadet juste après être passé au siège du PCF. C'était sur le chemin », raconte l'historien.
<< La dénégation pure et simple >>
Cependant, l'histoire des Juifs communistes ne se résume pas à ce genre d'anecdote, Le tiraillement de cette double identité, politique et cultuelle est constant: Même si certains camarades juifs en Europe claquent la porte après que Staline a signé, le 23 août 1939, un pacte de non-agression avec l'Allemagne nazie, la plupart d'entre eux restent au parti, Adam Rayski publie dans le dernier numéro du journal yiddish « Naye Presse » un éditorial qui mele savamment condamnation et approbation du traité honni.
Pour Jacques Frémontier, la clé de l'attitude des communistes juifs face à l'antisémitisme de Moscou c'est « la dénégation pure et simple », Les exemples sont légion, En janviel 1953, Georges Valensi, gynécologue et leader du parti communiste tunisien organise un meeting à Tunis pour soutenir Staline lors du procè des blouses blanches. Envoyés au Goulag après un procès expéditif ( ces médecins juifs seront innocenté quelques mois plus tard. Pour
justifier ce revirement, « on évoque la supériorité du système judiciaire soviétique », èxplique Jacques Frémontie Un argument qui tombe à pic alor que la culpabilité des époux Rosenberg - des Juifs américains condamnés en 1951 à la peine capitale puis exécutés pour espionnage au profit de l'URSS - fait débat et est contestée par l'opinion publique mondiale.
La foi politique des juifs communistes vacille avec la guerre en 1967
Ébranlée en novembre 1952 par le procès de Rudolph Slansky, du nom de l'ancien secrétaire général du PC tchèque condamné à mort après avoir été reconnu coupable avec 1O autres Juifs d'avoir voulu porter atteinte à la sécurité de l'État, la foi politique des juifs communistes vacille avec la Guerre des Six jours. Israël et le conflit de 1967 marquent, entre autres, une véritable rupture entre le PCF et ses camarades juifs. Pourtant, en 1948,
« Staline avait soutenu la création de l'État hébreu. Selon Laurent Rucker, auteur de Staline, Israël et les juifs » (PUF), le but était « d'affaiblir la place de la Grande-Bretagne au Proche-Orient ». Toujours grâce à l'appui de Moscou, Israël avait ensuite été admis à l'ONU. Mais, aux premières heures de l'affrontement entre les deux blocs, Jérusalem avait choisi les États-Unis plutôt que l'URSS. Staline s'était alors tourné vers les pays arabes et les relations diplomatiques israélo-soviétiques étaient devenues inexistantes. Ce n'est d'ailleurs qu' en 1994, qu'un Premier ministre israélien fut invité à Moscou bien après le démantèlement de l'ex-URSS si chère au Petit Père des peuples.
VIRGINIE GUEDJ
Actualité juive N° 789 DU 20/03/03
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